Quel destin incroyable que celui de cette Messe en si !
Jamais donnée du vivant de Bach, tombée dans l’oubli à sa mort en 1750, elle fut jouée en entier pour la 1ère fois en 1786 par son fils Carl Philip Emmanuel et enfin exhumée par Mendelssohn.
Composée entre 1724 (pour le Sanctus) et 1748, elle peut – à juste titre et tout comme L’art de la fugue – être considérée comme le testament musical du génie de Leipzig. Sa composition s’étalant sur un quart de siècle, certains musicologues, tel Friedrich Smend, ont douté du caractère unitaire et cohérent de cette messe.
Or J.S. Bach – et c’est tout sauf un hasard – fait de cette oeuvre, dont les différentes sections sont nées à des époques assez éloignées, une messe complète, en latin (épousant exceptionnellement par souci d’oecuménisme le rite catholique), dans son ordre exact, dans une orchestration et des tonalités très homogènes. La reprise du Gratias dans le Gloria pour l’Agnus final participe et témoigne de cette volonté d’unification. Construite essentiellement autour d’un choeur à 5 voix (le Sanctus à 6 voix et le Osanna à double choeur font figure d’exception), la Messe alterne des soli et duos instrumentaux et vocaux délicats qui ne peuvent être étouffés par des blocs chorals par trop imposants. En effet, même s’il n’hésite pas à remanier ses compositions plus anciennes dans la plus pure tradition de la parodie, Bach installe une relation dynamique entre choeurs et soli.
Pour la mettre en valeur, j’ai opté pour des choix artistiques qui se rapprochent plus des conceptions des grandes personnalités à l’origine de la renaissance du baroque, tels Harnoncourt, Herreweghe ou Malgloire, bien éloignées de celles des grands romantiques de la fin du XIXe et du XXesiècle. D’où le choix d’un orchestre de taille moyenne, s’approchant des effectifs demandés par Bach : L’académie Sainte-Cécile de Philippe Couvert, sur instruments anciens, que nous retrouvons avec une joie à la
mesure de l’événement, et de jeunes mais talentueux et déjà expérimentés solistes. Enfin, les tempi et dynamiques choisis laisseront - je l’espère - aux voix intérieures un espace d’expression témoignant autant du foisonnement créatif et spirituel que du génie musical du cantor de la cathédrale St Thomas.
Olivier Frontière